De l'effet démonstratif à la révolution ?--

Parti Humaniste Belgique 20 Avril 2019

Contextes, informations, analyses et perspectives...

(tiré de la repvue de presse internationnale Pressenza )


Voilà maintenant 8 semaines que le peuple franà§ais se mobilise d'une part chaque samedi en manifestations rassemblées dans les petites et grandes villes de toute la France, d'autre part en plus petits groupes dans les ronds-points et aux péages d'o๠ils veulent faire entendre leurs doléances et revendications et commencent à développer différents types d'actions.

Ce qui a été pris pour une démonstration sans lendemain se transforme petit à petit en un mouvement qui se bat pour la Démocratie réelle.

Mais aujourd'hui o๠l'on ne cultive que le culte de l'instant et l'absence de recul, les anecdotes remplacent l'analyse de fond, les visions politiciennes se substituent au regard du sociologue, le sensationnel masque les raisons profondes. Et lorsqu'on soupà§onne l'ampleur et la force du phénomà¨ne, alors l'information est manipulée, devient mensongà¨re et grossià¨re jusqu'au plus haut de l'Etat. Et publiquement à l'occasion de ses « vÅ“ux » au peuple, le président de la République, qualifie les gilets jaunes mobilisés en trà¨s grand nombre de « foule haineuse ». Aveuglément complet ou calomnie avérée ?

(Crédits images : Page Facebook Gilet Jaune | https://www.facebook.com/groups/310403819778193/)

Nous nous proposons ici de poser un regard sur les contextes plus larges et de développer une vision plus globale et en processus. Peut-être pourrions-nous en conclure des perspectives d'avenir de ce mouvement inédit.

 Contextes :


Nous n'allons pas ici rappeler le contexte plus large de la chute des idéologies, de l'absence de projets de sociétés, de l'antihumanisme grandissant de toutes parts, de la finance gouvernant le monde, en répandant la pauvreté, la violence sous toutes ses formes et la haine.

Nous souhaitons juste observer un contexte plus récent et plus spécifique à la France :

Au soir du 29 mai 2005, les Franà§ais viennent de rejeter majoritairement le traité établissant une Constitution pour l'Europe disant « Non, nous ne poursuivrons pas dans cette voie ». Les Franà§ais, comme d'autres citoyens de l'Europe, lancent un avertissement sans précédent aux institutions de Bruxelles et aux partis politiques.

Pourtant, cette constitution ne devait être qu'une formalité. Au printemps 2004, les pronostics sont trà¨s favorables au « oui ». Les deux grandes formations politiques, l'UMP [Union pour un mouvement populaire est un parti politique franà§ais classé à droite et au centre droit] et le PS [Parti socialiste, parti politique franà§ais de gauche et de centre gauche], sont majoritairement pour. Ce texte, tout en compromis et lourdeurs institutionnelles, devait passer comme une lettre à la poste. Du moins, c'est ce que tous s'imaginaient, politiques, observateurs, journalistes, instituts de sondages… Mais les Franà§ais se sont emparés du débat qui a permis de poser des questions fondamentales sur l'économie, la démocratie, les institutions. Cette agora a duré un an, de l'annonce du référendum jusqu'au jour du vote. Séquence politique mémorable durant laquelle se sont surtout exprimées les craintes d'une France plongée, déjà , dans la crise économique et sociale.

Ce « non », les institutions européennes l'accepteront un temps pour l'oublier trà¨s vite avec des traités de remplacement, contre la volonté des peuples. Ce déni de démocratie marquera les institutions européennes au fer rouge. C'est à cette Europe-là , technocratique et libérale, voir ultra-libérale, que les Franà§ais ont dit non le en mai 2005. [1]

Depuis lors, deux tendances en France :

  • A quoi bon voter puisque notre vote n'est pas respecté ? A quoi bon manifester puisque nous ne sommes entendus en rien ?
  • La lutte continuelle pour protéger les droits et rétablir la Démocratie.

La premià¨re tendance, alimentée par une presse mensongà¨re et manipulatrice, nourrie au quotidien par une exhortation à la consommation sans mesure, par l'endormissement des foules, prédomine durant 15 ans.

Mais les franà§ais ont dans leur histoire, dans le tréfonds de leur paysage de formation, la révolution franà§aise. Beaucoup ont oublié les détails de l'histoire et jusqu'à leurs évà¨nements précis. Mais tous ont gardé en mémoire : le peuple qui se rebelle peut renverser la monarchie. C'est le pouvoir du peuple dont on se souvient.

En mémoire également, la « résistance » organisée durant 4 longues années pendant l'occupation allemande, résistance au risque de sa vie et de celle de ses proches.

Bien des précédents plus récents de mobilisation populaire ont été sous-estimés : Le mouvement des Indignés en Espagne, ou 15M (15 mai 2011) sera relayé en France en particulier lors du premier rassemblement mondial le 15 octobre, mais les groupes seront dispersés par les forces de l'ordre et la presse fera son Å“uvre manipulatrice de discréditation. En 2012, ce sursaut social semble avoir disparu. Il réapparaà®t quelques années plus tard en 2015 et 2016, aprà¨s manifestations et grà¨ves, sous la forme des Nuits debout [Ensemble de manifestations sur des places publiques, ayant commencé le 31 mars 2016 à la suite d'une manifestation de refus de la loi Travail. Cette dynamique s'élargit à une contestation plus globale des institutions politiques et du systà¨me économique], dont les rassemblements seront eux aussi dispersés par la Force. En 2016 et 2017, des regroupements encore plus discrédités ou passés sous silence, sont pourtant notables : les meetings de Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise naissante rassemblent des dizaines et des dizaines de milliers de personnes, allant au-delà de 100.000 dans certaines villes de France…

Ce qui grésillait là , dans les foyers, dans les villes et les campagnes, était bien un brasier… et du vent violent a soufflé sur les braises : le Président à peine élu, a montré de manià¨re ostentatoire d'une part son mépris pour le peuple (marqué par de nombreuses phrases assassines envers les « petites gens ») et d'autre part sa ferme détermination d'en finir avec les acquis sociaux « qui coà»tent un pognon de dingue ! ». Les mesures prises à toute vitesse attaquent directement le peuple : handicapés, retraités, étudiants, chà´meurs, travailleurs… Les manifestations et mobilisations reprennent de plus belle : pour défendre le droit du travail, pour protéger le transport public, pour sauver ce qui reste du service public (hà´pital, écoles, universités). Des milliers de personnes dans les rues. La réponse politique : arrogance et mépris affichés publiquement, jusqu'au micro des presses étrangà¨res.

Alors l'augmentation des taxes sur le gasoil n'a opéré que comme une étincelle sur un brasier brà»lant de colà¨re accumulée, de désespoir ignoré, de souffrance niée.

Dà¨s la premià¨re mobilisation en novembre, l'effet démonstratif est accompli dans la mesure o๠il confirme :

  • La capacité de mobilisation des franà§ais excédés de tant d'injustice sociale,
  • Que Paris n'est pas la France et que la force se trouve dans ses villes de Province !
  • Que les médias mentent sans mesure pour protéger la nouvelle monarchie.

La vague aurait peut-être pu être endiguée à ce moment-là si le gouvernement avait répondu favorablement à la demande ponctuelle des citoyens (suppression des taxes carburants). Mais la moquerie et la manipulation ont démultiplié les colà¨res mais aussi et surtout les prises de conscience.

Mouvement de prise de conscience :


Image : Dernià¨re mobilisation du 5 janvier en France dans quelques villes

Arborant un gilet jaune qui ne relà¨ve d'aucune étiquette mais a le grand avantage d'apporter beaucoup de visibilité, les gens commencent à se rassembler autour d'un « ras le bol » et rapidement autour de l'identité de peuple dont le Président, son gouvernement et finalement « les puissants » se moquent. Trà¨s vite aussi, ce mouvement se veut sans forme, sans représentant, sans verticalité aucune, acéphale et polymorphique. Les individus lambda se retrouvent aux ronds-points des villes o๠ils habitent, bloquent la circulation, et là se font l'écho et la vitrine de la misà¨re en France : pauvreté, avec ou sans travail, retraites insuffisantes, charges excessives, impà´ts injustes. Voilà que les gens se parlent, se découvrent, se reconnaissent et apprennent à être ensemble au-delà de leurs clivages d'opinion.

Lors des premià¨res semaines, il y a encore un sentiment d'appartenance corporatiste et l'on voit les taxis, les étudiants, les infirmià¨res, et même les avocats, enfiler le Gilet jaune et « soutenir » le mouvement.

Mais trà¨s vite aussi, des assemblées populaires s'organisent : on y débat, on y entend des informations, on cherche, on se renseigne, on apprend… ON SE REND COMPTE !

Alors on enfile le GJ [Gilet Jaune] et l'on dit : « nous », sommes le peuple, « nous » voulons récupérer le pouvoir sur nos vies.

Le rà´le de la presse mainstream :


Elle va jouer un grand rà´le dans l'amplification de la vague. Mais elle n'agit pas ici comme le contre-pouvoir qu'elle est censée être. Elle est au service de ce pouvoir, ne donnant qu'une information partielle et partisane, et bien souvent fausse : les chiffres de mobilisation sont diminués de manià¨re ridicule (passant de plusieurs centaines de milliers de gens dans les rues à quelques dizaines de milliers annoncés par les grands médias), les images émises en boucle ne donnent à voir que « des casseurs en jaune », on se laisse aller à l'antenne à dégrader et insulter les personnes de ce mouvement. Cette manipulation extrême de l'information va démultiplier les colà¨res. En outre, on commence à soupà§onner une manipulation orchestrée de bien plus haut lors du rassemblement du 2 décembre o๠des individus (qui sont-ils ?) s'en prennent à l'Arc de Triomphe. La diabolisation devient grotesque. Mais aucune stratégie ne va fonctionner : ni la diffamation (mouvement d'extrême droite), ni la manipulation des images (foule haineuse et violente), ni la référence à des figures contestables et contestées comme leader du mouvement, ni les supposées tentatives de récupération politique et syndicale, ni la peur (répression policià¨re) ne vont essouffler le peuple. Ils croiront pourtant avoir réussi grà¢ce à un scénario d'opposition trà¨s clair : « Citoyen : n'y allez pas : c'est à haut risque, c'est dangereux… »

Ces exagérations vont conduire les gens à une autre prise de conscience : eux qui croyaient encore que « ce que l'on voit à la TV ne peut être que vrai », les voilà par milliers à se rendre compte que tout est mensonge et manipulation ! L'exaspération est à son comble.

La presse de son cà´té continue de feindre d'ignorer qu'une grande majorité de la population, même lorsqu'elle ne se mobilise pas dans la rue, soutient ce mouvement, parce qu'une grande majorité se reconnaà®t dans ses revendications et exigences… que la presse ne relaie pas, évidemment.

Revendications des GJ [Gilets Jaunes] :


Elles étaient d'abord spontanées et les slogans dans la rue cathartiques. Aujourd'hui, fruits de nombreuses réunions et assemblées citoyennes, elles se consolident, prennent du poids et de l'ampleur, et se précisent au point d'être écrites.

En voici un exemple, diffusé amplement dans les réseaux sociaux (qui est la principale source d'informations et d'organisation), en 21 points, qui montrent avant tout la volonté farouche de plus de justice : démocratique, fiscale, économique et sociale et un « pouvoir d'achat » qui permettent de passer de la survie à la vie.[2]

Pourtant dans la rue et sur les ronds-points, le slogan le plus crié, est depuis le début du mouvement et reste : Macron démission.

Et sur les pancartes et désormais les murs des villes : RIC : Référendum d'Initiative Citoyenne (point 9 dans le tableau)

Plus les revendications sont claires, plus la mobilisation est importante. Plus la sympathie du reste de la population arrive en soutien : dans un récent sondage, 77% des franà§ais seraient favorables au retour de l'ISF (Impà´t sur Grand Fortune) et 80 % pour le RIC…

Voilà de quoi inquiéter TRÈS sérieusement le pouvoir… qui, forcé de constater l'ampleur de l'insurrection, perd pied et répond par la force répressive la plus incontrà´lée qu'on n'ait vécue dans l'histoire franà§aise moderne.



Violence répressive :


S'octroyant la légitimité d'une « répression ferme » avec le prétexte de répondre aux violences (dégà¢ts matériels) produites par certains « casseurs », la force armée envoyée sur le terrain est sans précédent. Non seulement en nombre d'hommes déployés, mais surtout quant au matériel utilisé et aux méthodes employées.

Pourtant le « Défenseur des droits »[3], Jacques Toubon, assurément non « gauchiste », lance l'alerte de manià¨re récurrente. Il en vient à publier un rapport « le maintien de l'ordre au regard des rà¨gles de déontologie »[4], o๠sont trà¨s clairement décrits la dangerosité des ULBD (Flashball, c'est une arme de feu sublétale, qui utilise des balles en caoutchouc, conà§ue pour ne pas pouvoir tuer mais qui peut causer des blessures graves), l'interdiction déontologique d'employer la force lorsqu'elle ne s'avà¨re pas nécessaire, l'encerclement des manifestants non menaà§ants, les coups portés aux manifestants à terre, et les arrestations arbitraires de citoyens ne représentant aucun danger.

Or, les exemples contraires se multiplient, illustrés par des dizaines de vidéos, amplement diffusées sur les réseaux sociaux.

À ce jour, 10 personnes sont mortes au cours de ces manifestations (d'accidents et une personne directement de la répression policià¨re), on dénombre plus de 4000 blessés graves, dont des dizaines de personnes mutilées à vie : perte d'un Å“il, fractures multiples de la mà¢choire, yeux brà»lés de manià¨re irréversible… À cela s'ajoutent 4570 interpellations, pour la plupart arbitraires.

Les scà¨nes de violence sont inouà¯es, proviennent tantà´t d'agent sans matricule, tantà´t de plus hauts gradés (commandant) : coups à plusieurs sur une personne désarmée et non protégée, scà¨nes d'humiliations (auprà¨s de jeunes mineurs), tirs à l'aveugle (vieille dame tuée en fermant ses volets) ou tirs ciblés intentionnels (dans la tête de préférence), nasses d'encerclements et gazages systématiques, lance « à eau » avec produits hautement toxiques sur femmes, enfants, handicapés, personnes à¢gées…

Certains observateurs étrangers s'en alarment. Amnesty International déjà le 17 décembre rédigeait un rapport complet sur « l'usage excessif de la force lors des manifestations des gilets jaunes »[5], relevant à la fois une démesure indescriptible et l'illégalité de l'utilisation de certaines « armes de dissuasion ». Depuis lors pourtant, la violence policià¨re illégitime et illégale s'est encore accrue.

Le journaliste David Dufresne, sur son compte Tweeter[6], organise toute une compilation de signalements et témoigne de la scission qui est en train de s'opérer au sein des forces de police. Car là , comme au sein des gilets jaunes, une profonde ligne séparatrice est en train de se creuser.


La ligne séparatrice : violence/non-violence :


Certains, au sein de la Police, ont en tréfonds de leur mémoire la devise de leur métier : « pro patria vigilant » (« ils veillent pour la Patrie ») et au cÅ“ur de leur conscience leur mission : « Les missions du corps de police sont la garantie des libertés individuelles et collectives, la défense des institutions de la République, le maintien de la paix et de l'ordre public et la protection des personnes et des biens. »

On voit apparaà®tre des vidéos de dénonciation, des questionnements d'agents quant à la légitimité des ordres qu'ils reà§oivent, les arrêts maladies se multiplient comme unique réponse légale possible de leur part, et dans de plus rares cas, des refus d'obtempérer. On a vu des tentatives de dialogues et de fraternisations entre les GJ [Gilets Jaunes] et la police. Certains commencent à en appeler à la désobéissance salutaire.

On a étouffé (ou cru étouffer ?) ce petit sursaut de prise de conscience par une prime de 300 euros de fin d'année pour chaque agent, et pour prévenir les réveils éventuels de conscience, on envoie les troupes à l'assaut loin des lieux o๠elles habitent. Mesures insignifiantes… et de toute faà§on inutiles pour répondre à la fatigue des forces de police qui pour la premià¨re fois affrontent « des gens comme eux », c'est-à -dire se plaignant de la précarité à laquelle le systà¨me actuel les conduit.

Des commandants, pour l'instant encore sous anonymat, témoignent ne plus savoir quoi faire pour conserver le « modà¨le à la franà§aise » du maintien de l'ordre public. Ce « modà¨le » en effet faisait référence à l'international pour sa déontologie : « le moins de contact possible, pas de recours à la violence sans absolue nécessité, promouvoir la désescalade, pas de démesure dans l'utilisation des armes de dissuasion, être garant de la désescalade et du retour au calme. »

Mais face à cette conscience citoyenne, on assiste donc aussi au déchaà®nement d'une police devenue hors de contrà´le. Et l'escalade inouà¯e de la répression à laquelle on assiste, semble être légitimée par les donneurs d'ordre : les préfets de région et à leur tête le ministre de l'intérieur, Castaner.

C'est ainsi que d'une ville à l'autre, les rassemblements prennent une toute autre allure : là o๠la police est modérée et peu présente, ni casse, ni violence (par exemple Tarbes, Dijon, etc.) Là o๠l'ordre est donné de « charger », les fins de rassemblements sont tragiques.

Il en va de même chez les Gilets Jaunes.

La plupart se reconnaissent et s'affirment comme un mouvement pacifique, non-violent et bienveillant. Du reste, ils multiplient les faits et gestes l'attestant : organisation de rassemblements populaires et festifs, actions d'entraide solidaire, tentatives de dialogue avec les forces de l'ordre. Ils s'organisent en petits groupes dits de « sérénité », composé de femmes, de personnes d'un certain à¢ge, pour réguler les courants et calmer les exaspérations. Ils affichent sur toutes les pancartes leur identité et leurs valeurs.

Mais la souffrance s'exprime de différentes manià¨res et chez beaucoup, la colà¨re gronde… et le déni du gouvernement, cette insistance à insulter le peuple, sont autant d'incitation à la violence. Comment un président de la République peut-il parler d'un rassemblement de centaines de milliers de personnes réclamant un référendum d'Initiative citoyenne en ces termes : « une foule haineuse, ils s'en prennent aux élus, aux forces de l'ordre, aux journalistes, aux juifs, aux étrangers, aux homosexuels, c'est tout simplement la négation de la France… »

Ce genre de propos, alors même que notre pays vit une situation sociale parmi les plus graves qu'il ait jamais connues, alors même que ce sont ses forces de l'ordre qui s'en prennent aux plus faibles, est propre à déclencher la rage et son expression violente.

Aujourd'hui ce ne sont plus seulement les « casseurs » qui revendiquent le droit à la violence, ce sont des gens excédés, exaspérés, humiliés, qui veulent la justice et la réparation des préjudices. La « violence » des GJ [Gilets Jaunes] est stigmatisée dans les médias, les « coupables » immédiatement arrêtés, jugés, condamnés, parfois arbitrairement et sans fondement, « pour l'exemple », tandis que la violence policià¨re n'est en rien relayée, et s'il elle l'est, elle est légitimée ou banalisée. Cette injustice aux allures de dictature décuple la colà¨re des manifestants et les appels à la violence en retour se multiplient. On est entré dans le cercle vicieux de la violence.
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De la révolution à l'évolution :


C'est justement un positionnement clair et ferme pour la non-violence active qui pourra apporter les caractéristiques d'évolution à ce mouvement de révolution.

Car c'est d'ores et déjà bien plus qu'une vague d'insurrection. Les actions en témoignent : assemblées populaires citoyennes, des maires ouvrant leur mairie à la rédaction de cahiers de doléances, rédactions de revendications de plus en plus claires, volonté d'un référendum d'initiative citoyenne, nécessité d'une nouvelle Constitution… Il semble que la France veuille s'acheminer vers la naissance d'une 6e République.

Des groupes entiers et des corporations veulent voir re-naà®tre, (naà®tre nouvellement et non pas une nouvelle fois de manià¨re tronquée), leurs valeurs : liberté, égalité, fraternité.

Des presses alternatives[7] et de petites maisons d'éditions indépendantes[8] se font les relais de la liberté d'expression ; les réseaux sociaux, malgré une censure qui se révà¨le jusqu'à maintenant impuissante, sont l'outil de diffusion le plus massif. Des avocats viennent en aide, administrativement mais aussi sur le terrain, aux personnes blessées lors des manifestations ou arrêtées arbitrairement. Certains juges se dressent devant l'impuissance à laquelle on relà¨gue la Justice.

Les députés de la France Insoumise, rejoints par nombre de députés de la Gauche « réelle » et par d'autres démocrates, se font l'écho à l'Assemblée et avec tous les moyens à leur disposition pour légiférer sur la question du Référendum…

Parallà¨lement et en même temps, surtout aux ronds-points, le tissu social est en train de se reformer : on fait là l'expérience de la solidarité, une nouvelle fraternité est en train de naà®tre, nourrie de cet espoir que le peuple uni ne peut être vaincu. Lors des fêtes de fin d'année, et malgré le froid, dans des centaines d'abris improvisés, des gens se sont rassemblés pour célébrer ensemble ce nouvel espoir, accueillant aussi des personnes seules ou sans abris, ou habituellement rejetées, et des centaines d'autres ont apporté nourriture, cadeaux, bois pour les feux. Naissait une force toujours plus grande : celle que procure l'acte valable, celle qui fait grandir, que l'on veut répéter et que l'on ne regrette jamais.

Sur la base de cette Force profonde, individuelle et collective, trois éléments pourraient assurer la bascule :

  • Le positionnement des forces armées pour le peuple : « dans le cas extrême o๠le peuple déciderait de changer de type d'Etat et de type de lois, il incomberait au peuple de le faire (…) et il serait du devoir de l'armée d'accompagner cette volonté de changement, en créant les conditions permettant au peuple de mettre en marche un nouveau type d'organisation et un nouveau régime juridique. »[9]
  • L'ajout massif de la jeunesse : « à§a vaut la peine que les jeunes viennent grossir le torrent de cette force morale, comme une variante de l'Histoire, que son débit soit irrépressible et que l'on entende son grondement dans toutes les langues de la terre. »[10]
  • La contagion au-delà des frontià¨res, à toute l'Europe et au-delà .[11] Inscrire cette volonté d'une nouvelle constitution dans le contexte d'un Dessein plus grand : la Nation Humaine Universelle, qui veut en finir avec la violence et l'injustice.

    La révolution est possible parce qu'on ne revient pas sur des prises de conscience. Le peuple franà§ais le sait et le sent, il est déjà en train de s'organiser en « grand débat »[12], il compte déjà sur une force de propositions (justice fiscale, exercice du pouvoir démocratique, refondation de nos institutions).

    Mais pour qu'il s'agisse bien d'une évolution, il faut que surgisse une nouvelle prise de conscience : la nécessité de prendre en main son destin social mais aussi d'évoluer en tant qu'espà¨ce. Espà¨ce qui fait le choix de la non-violence, et celui de l'acte valable, qui revendique le droit à grandir et à trouver le Sens.

    « Nous sommes à la fin d'une obscure période historique et plus rien ne sera comme avant. Peu à peu, commencera à poindre l'aube d'un jour nouveau, les cultures commenceront à se comprendre, les peuples expérimenteront une soif croissante de progrà¨s pour tous, comprenant que le progrà¨s limité à quelques-uns s'achà¨ve sans progrà¨s pour personne. Oui, il y aura la paix et on comprendra par nécessité qu'une nation humaine universelle commence à se dessiner. En attendant, nous qui ne sommes pas écoutés, nous travaillerons à partir de maintenant partout dans le monde pour faire pression sur ceux qui décident, pour diffuser les idéaux de paix, sur la base de la méthodologie de la non-violence, pour préparer le chemin des temps nouveaux.

    (…)

    Je crois que quelque chose de trà¨s bon arrivera quand les êtres humains trouveront le Sens, tant de fois perdu et tant de fois retrouvé dans les tournants de l'Histoire »[13]


    Article venant de Pressenza : 09.01.2019 - Paris - Claudie Baudoin

Notes :

[1]  Source France Inter, 2015.

[2]  On peut aussi aller voter sur un plus grand nombre de revendications, qui ne font pas toute l'unanimité, à l'adresse suivante. https://revendicationsgiletsjaunes.fr/?fbclid=IwAR3RSXoAXsjZ8-xhJCW3lPxa_J0dA0TxRLsQshKoeVz7QPhn2X-sVLDlXGI

[3]  En France, le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante, créée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et instituée par la loi organique du 29 mars 2011. Son administration prend la forme d'une autorité administrative dont l'indépendance est garantie par la Constitution.

[4]  Rapport disponible dans son intégralité sur le site de l'Assemblée Nationale.

[5]  https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/usage-excessif-de-la-force-lors-des-manifestations

[6]  https://twitter.com/davduf

[7]  Voir reportages et interviews du Media, https://www.lemediatv.fr et les articles de fond de Le vent se là¨ve https://lvsl.fr

[8]  Des clés pour comprendre les gilets jaunes, éditions Syllepse, voir notre article du 26 décembre 2018.

[9]  Silo, Lettres à mes amis, Lettre 8 : Position militaire dans le processus révolutionnaire. On remarque beaucoup de vétérans également enfilant le GJ [Gilet Jaune], et de plus en plus de militaires à visage découvert se dresser devant les abus de la Police. Rappel : les militaires dépendent du ministà¨re des armées, la police du ministà¨re de l'intérieur.

[10]  Silo, Premià¨re célébration annuelle du message, Punta de Vacas, 4 mai 2004, silo.net

[11]  Sur ce point sont tenus sous silence les rassemblements qui ont déjà eu lieu dans plus de 20 pays d'Europe. Si ces mouvements s'amplifiaient, l'Europe elle-même se verrait menacée dans ses institutions et son fonctionnement. A la veille des élections européennes, l'information sur un éventuel courant de protestation grandissant sera donc le plus possible passée sous silence.

[12]  Proposition récente de la présidence, reà§ue par les GJ [Gilets Jaunes] comme une négation de plus de ce qu'ils font déjà , un rejet de leur demande de référendum et un « enfumage médiatique » supplémentaire.

[13]  Silo, Premià¨re célébration annuelle du Message, Punta de Vacas, 4 mai 2004, silo.net

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Voir aussi :

25/11 Gilets jaunes à Paris : la colà¨re (Gabriela Bravo et équipe Rédaction Pressenza France)

30/11 Gilets Jaunes : risque ou opportunité ? (Rédaction Pressenza France)

06/12 Gilets Jaunes o๠la Démocratie en Marche ! [1/2] (Rédaction Pressenza France)

07/12 Gilets Jaunes ou la Démocratie en Marche ! [2 / 2] (Rédaction Pressenza France)

09/12 Gilets verts et gilets jaunes, ensemble pour un monde meilleur ! (Brigitte Cano et Mauricio Alvarez, Rédaction Pressenza France)

10/12 Les gilets jaunes : Ne pas seulement marcher… Aller au-delà des manifestations (Mathieu Dégé, témoignage)

11/12 [Gilets jaunes] Annonces de Macron : un enfumage pour préserver l'injustice fiscale et les cadeaux faits aux riches (ATTAC France)

12/12 Le mouvement des gilets jaunes (Ginette Baudelet, Rédaction Pressenza France)

15/12 [Gilets jaunes – témoignage] « On nous parle de violence » (Toulouse, témoignage)

18/12 Rétentions, répression et violence : les méthodes du gouvernement pour en finir avec les gilets jaunes (Josefina Dowbor)

25/12 [Vidéo] Merci aux gilets jaunes (Brigitte Cano, Rédaction Pressenza France)

26/12 Gilets Jaunes – Des clefs pour comprendre (Des clés pour comprendre, Éditions Syllepse)

06/01 Lettre ouverte au Président Macron : « Changez nos institutions et démissionnez ! » (Pascal Maillard pour son blog Polared)


Premià¨res revendications des Gilets Jaunes

POUVOIR D'ACHAT

1

– SMIC (salaire minimum) à 1300 euros net.

– Pas de retraite en dessous de 1200 euros.

2

– Les salaires ainsi que les retraites et les allocations, doivent être indexés à l'inflation.

3

– Salaire maximum fixé à 15000 euros.

– Limiter l'écart des salaires de 1 à 20 dans l'entreprise.

4

– Augmentation des allocations handicapées et chà´meurs.

– Retrait de la CSG sur les retraites. [N.d.E. CSG, Contribution Sociale Généralisée, est un prélà¨vement obligatoire, qui participe au financement de la sécurité sociale, et, depuis 2018, de l'assurance chà´mage, à la place des cotisations prélevées sur les salaires.]

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JUSTICE FISCALE

5

– Impà´t sur le revenu davantage progressif (plus de tranches pour les plus riches).

6

– Rétablissement de l'ISF. [N.d.E. ISF, Impà´t Sur la Fortune, payé par les personnes physiques et les couples détenant un patrimoine supérieur à 1,3 million d'euros. L'ISF va diminuer en 2019, ce qui représente un manque de 4 milliards d'euros dans le budget.]

– Fin du CICE pour financer le pouvoir d'achat. [N.d.E. On donne 20 milliards d'euros aux entreprises chaque année depuis 2013, au titre d'un soutien appelé CICE, Crédit d'Impà´t Compétitivité Emploi. Il sera supprimé en 2019 et remplacé par une diminution des cotisations sociales aux entreprises. Ce qui représente un manque de 20 milliards d'euros dans le budget 2019.]

7

Salaire maximum fixé à 15000 euros.

Limiter l'écart des salaires de 1 à 20 dans l'entreprise.

8

Aller chercher les 80 milliards de l'évasion/fraude fiscale.

Taxe sur le fuel maritime et le kérosà¨ne.

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JUSTICE DÉMOCRATIQUE

9

Référendum Initiative Citoyenne.

10

Référendum révocatoire des élus ayant failli à ses engagements.

11

Fin des indemnités présidentielles à vie.

12

Rétablir les élections à la proportionnelle aux élections législatives et municipales.

Référendum révocatoire si non-respect de ses engagements.

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JUSTICE ECONOMIQUE

13

L'électricité, l'eau et le gaz sont des biens de premià¨re nécessité. Ils doivent redevenir publics.

14

Interdiction de vendre les biens appartenant à la France (barrages, aéroports…)

15

Protéger l'industrie franà§aise, interdire les délocalisations. Protéger notre industrie.

16

Grand plan d'isolation des logements. (Faire de l'écologie en faisant faire des économies aux ménages).

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JUSTICE SOCIALE

18

Zéro SDF [N.d.E. Sans Domicile Fixe, personnes sans-abri] : URGENT.

Revenir à la retraite à 60 ans à taux plein.

19

Le systà¨me de retraite doit demeurer solidaire et donc socialisé. (Pas de retraite à points).

20

Même systà¨me de sécurité sociale pour tous (y compris artisans et autoentrepreneurs).

21

Limitation des loyers. Plus de logements à loyers modérés (notamment pour les étudiants et les travailleurs précaires).


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